Réforme de l’assurance chômage

La loi du 21 décembre 2022 dite « marché du travail » réforme plusieurs dispositifs.
 
Raphaël Avocats vous détaille son contenu, en commençant par la réforme de l’assurance chômage.

  • Présomption simple de démission en cas d’abandon de poste

Un nouvel article L.1237-1-1 fait son entrée dans le Code du travail : « Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur, est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai. Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud’hommes. L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine. Le délai prévu au premier alinéa ne peut être inférieur à un minimum fixé par décret en Conseil d’Etat. Ce décret détermine les modalités d’application du présent article ».
 
Un employeur confronté à l’abandon volontaire de son poste de travail par le salarié pourra donc, par lettre recommandée ou lettre remise en main propre contre décharge, le mettre en demeure de justifier son absence et de reprendre le travail dans un certain délai. Ce délai ne pourra être inférieur à un délai qui doit être fixé par décret en Conseil d’Etat (décret attendu avant le 1er février prochain). 
 
S’il ne reprend pas le travail pendant le délai fixé par son employeur, le salarié sera présumé démissionnaire. Le contrat de travail sera présumé rompu à l’expiration de ce délai (sans préavis donc et sans bénéfice des allocations chômage). 
 
A noter : l’article L.1237-1-1 du Code du travail ainsi créé sera situé dans le titre III – rupture du contrat de travail à durée indéterminée. Cette mesure ne semble donc pas pouvoir s’appliquer aux salariés en contrat de travail à durée déterminée. 

  • Suppression de l’assurance chômage en cas de refus de deux CDI

Le législateur entend sanctionner les salariés employés en CDD ou en mission d’intérim qui refuseraient plusieurs propositions de CDI.

  • Après un CDD

Pour que le refus du salarié puisse entraîner la suppression du bénéfice de l’assurance chômage, le nouvel article L.1243-11-1 du Code du travail encadre les modalités de proposition de CDI par l’employeur aux salariés employés en CDD.
 
Cette proposition doit être faite par écrit, et l’emploi proposé doit :

  • être le même ou un poste similaire ;
  • être assorti d’une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente ;
  • relever de la même classification ;
  • ne pas modifier le lieu de travail.

 
En cas de refus du salarié, l’employeur en informe Pôle emploi en justifiant du caractère similaire de l’emploi proposé.
 
Un décret en Conseil d’Etat (attendu avant le 1er février prochain) fixera les modalités de cette notification par écrit des propositions de CDI à l’issue d’un CDD.

  • Après un contrat d’intérim

Un nouvel article L.1251-33-1 du Code du travail prévoit un dispositif analogue lorsque, à l’issue d’une mission d’intérim, l’entreprise utilisatrice propose au salarié de conclure un contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, sans changement du lieu de travail. Dans ce cas, la proposition doit être notifiée par écrit au salarié, et l’employeur informe Pôle Emploi en cas de refus. 
 
Un décret en Conseil d’Etat (attendu avant le 1er février prochain) fixera les modalités de cette notification par écrit et des propositions de CDI à l’issue du contrat d’intérim. 

  • Les conséquences du refus de deux CDI

Les conséquences du refus par le salarié de la proposition de deux CDI dans les conditions visées ci-dessus, au cours des douze mois précédents, sont posées par le nouvel article L.5422-1 du Code du travail qui prévoit la suppression du bénéfice de l’allocation chômage.
 
Toutefois, cette suppression des droits à l’assurance chômage ne s’appliquera pas malgré le refus de deux propositions de CDI dans les 12 mois précédents :

  • Si le salarié a été employé dans le cadre d’un CDI au cours de la même période de 12 mois ;
  • Ou si la dernière proposition adressée au demandeur d’emploi n’est pas conforme aux critères prévus par le projet personnalisé d’accès à l’emploi si celui-ci a été élaboré antérieurement à la date du dernier refus pris en compte.
  • Prolongation des dispositions relatives au bonus-malus

Le décret n°2019-797 du 26 juillet 2019 a instauré une modulation du taux de contribution d’assurance chômage à la charge des employeurs, appelée « bonus-malus », afin de lutter contre la précarité de l’emploi. Ce bonus-malus consiste à moduler le taux de la contribution patronale d’assurance chômage, qui est actuellement de 4,05 %, à la hausse (malus), ou à la baisse (bonus), en fonction du taux de séparation des entreprises concernées. 
 
Ce taux de séparation correspond au nombre de fins de contrat de travail ou de missions d’intérim donnant lieu à inscription à Pôle emploi, rapporté à l’effectif annuel moyen de l’entreprise.
 
Le montant du bonus ou du malus est calculé en fonction de la comparaison entre le taux de séparation des entreprises concernées et le taux de séparation médian de leur secteur d’activité, dans la limite d’un plancher (3 %) et d’un plafond (5,05 %).
 
Il s’applique aux entreprises de 11 salariés et plus relevant des secteurs d’activité dont le taux de séparation moyen est supérieur à 150 %.
 
Le décret n°2022-1347 du 29 octobre 2022 a prolongé les mesures d’application du bonus-malus sur la contribution patronale d’assurance chômage jusqu’au 31 janvier 2023 ; et l’article 1 de la loi du 21 décembre 2022 prévoit que les mesures d’application du bonus-malus pourront être prolongées jusqu’au 31 août 2024 par décret en Conseil d’Etat.

  • Autorisation temporaire de détermination des règles de l’assurance chômage par décret

Les mesures d’application du régime d’assurance chômage font en principe l’objet d’accords conclus entre les partenaires sociaux (organisations professionnelles d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel).
 
Par dérogation aux dispositions du Code du travail, l’article 1 de la loi du 21 décembre 2022 prévoit que les mesures d’assurance chômage seront fixées de manière dérogatoire par décret en Conseil d’Etat pris en concertation avec les organisations syndicales salariées et patronales représentatives au niveau national et interprofessionnel à compter du 1er novembre 2022.
 
Les mesures mises en place par décret seront applicables jusqu’à une date fixée par décret (devant intervenir avant le 1er février 2023) et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2023.
 
Le décret devra préciser notamment les périodes de mise en œuvre de la modulation du taux de contribution des employeurs concernés ainsi que les périodes au cours desquelles est constaté le nombre de fins de contrat de travail et de contrat de mise à disposition pris en compte pour le calcul du taux modulé.

  • Ce qui devrait être prévu dans le décret à venir

Le décret attendu devrait s’appliquer du 1er février 2023 au 31 décembre 2023. Il devrait mettre en place le dispositif de modulation de la durée d’indemnisation en fonction de la conjoncture décidé par le gouvernement.
 
Ce décret s’appliquera aux contrats de travail prenant fin à compter du 1er février 2023.
 
La modulation devrait prendre la forme d’une minoration de la durée d’indemnisation. Concrètement, un salarié dont la durée d’affiliation lui permettait initialement de prétendre à 24 mois d’indemnisation pourra voir son indemnisation réduite à 18 mois selon la situation du marché du travail (état vert ou état rouge) :  

  • état vert : les règles seront plus incitatives au retour à l’emploi (application d’un coefficient de minoration de 0,75) ;
  • état rouge : les règles seront plus protectrices (activation d’un complément de droit).

 
Un état rouge entrainera pour les demandeurs d’emploi arrivant en fin de droit l’activation d’un complément de droit de 25% de la durée initiale (effaçant ainsi la minoration).
 
Les seuils déterminant l’état vert ou rouge dépendront de deux critères, à savoir le niveau de chômage au sens du BIT que l’INSEE publie chaque semestre et son évolution trimestrielle. Les deux seuils suivants seront appliqués :

  • un taux de chômage de 9% ;
  • ou une hausse de 0,8 point sur l’évolution trimestrielle du taux de chômage.

Le franchissement de ces seuils entrainera un passage à l’état rouge, et un retour au « vert » interviendra en cas d’atteinte de niveaux inférieurs à ces seuils pendant trois trimestres de suite.
 
Ne seront pas concernés par cette réforme : les intermittents du spectacle, les bénéficiaires d’un contrat de sécurisation professionnelle, les marins pêcheurs, les dockers, les expatriés.

  • Ce qui a été supprimé

Le 23 décembre 2022, le gouvernement avait annoncé que le décret pris en Conseil d’Etat prévoirait de faire baisser de 40% la durée d’indemnisation si le chômage passait sous la barre des 6%. Cette proposition a finalement été abandonnée et ne figurera pas dans le décret attendu.

Plus d’articles de Raphaël Avocats

Actualités